Normaliser mathématiquement les procédés de représentation du monde, cela relève de l'outrecuidance d'un fou.
mars
2013
- prix: 12 €
format : 170 x 220 mm
112 pages
ISBN: 979-10-304-1638-1
Extrait de "La Perspective inversée"
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La Perspective inversée
Pavel A. Florenski
"On peut ici avancer une hypothèse : ce qui plaît en fait, ce ne sont pas tant les moyens de la représentation comme tels, mais la naïveté et la primitivité de l'art, l'enfance insouciante d'une bonne part de l'alphabet artistique. Certains amateurs ont tendance à considérer les icônes comme un doux balbutiement de bébé. C'est faux : le fait que les icônes transgressant fortement les règles de la perspective soient l'œuvre des grands maîtres, alors qu'une transgression moindre des mêmes règles caractérise plus spécialement les maîtres de second, voire de troisième rang, devrait plutôt conduire à se demander si le jugement de naïveté porté sur l'icône n'est pas lui-même une naïveté."
Cette étude d'une incroyable limpidité bouleverse la manière de considérer les icônes : loin d'être des "dessins d’analphabètes", elles s'avèrent savamment construites, en accord avec la pensée qu'elles véhiculent. Dans les icônes, mais aussi dans l'art égyptien, l'art grec ou l'art du Moyen Âge, il n'y a pas de point focal. Ces arts transgressent la perspective, et avec elle l'illusionnisme, au profit de la multitude des points de vue. Le point focal ne se situe pas dans l'image, mais dans l'œil mobile du spectateur. Florenski oppose au point de vue unique de la perspective une dynamique des forces en présence dans la peinture. Pour lui, toute forme est symbolique et ne saurait se suffire à elle-même. Daté de 1919, ce texte est contemporain des recherches plastiques de Malevitch, lui-même profondément marqué par l'art de l'icône. Florenski s'en prend avec virulence à la conception classique de l'histoire de l'art, qui voit dans la Renaissance un acmé jamais égalé. Il défend au contraire l'art des enfants par exemple, capables d'offrir "une vision originale du monde". L'on tient là non seulement un texte précurseur mais aussi un plaidoyer éminemment pédagogique en faveur d'un art ouvert à la vision subjective du spectateur lui-même.
Traduit du russe par Olivier Kachler.
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