Editions Allia

Le Triste Privilège ou une vie de Conte de fée
Je me sens affreusement et magnifiquement seule.

janvier 2015 - prix: 6,20 €
format : 100 x 170 mm
64 pages
ISBN: 978-2-84485-871-9 Existe aussi aux formats ePub et PDF


Extrait de "Le Triste Privilège ou une vie de Conte de fée"

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Le Triste Privilège ou une vie de Conte de fée

Laure

Autobiographique, ce texte nous plonge dans les tréfonds d'une âme voyageuse et torturée, dans le labyrinthe d'une conscience enfantine habitée par la peur d'un ogre : le spectre de l'âge adulte. C'est pourtant une enfance volée, voire violée, dont Laure rend compte de son écriture fragile et pudique. Plusieurs personnages se démarquent : la terrible figure de la mère, celle du père regretté, la relation avec la fratrie ou Monsieur l'abbé, proche de la famille et aux mœurs douteuses­… Elle finira par dénoncer ce dernier auprès de sa mère : cet acte de délivrance constitue un "appel à jeter de grands cris sur du papier", cris de haine de la religion, de ses proches et de leurs attitudes, puis de la patrie qui tua son père et tant d'autres.
Dans cet écrit qui relève autant du journal intime que de l'élucubration fantasmatique, la narratrice déploie une prose érotico-mystique, où le mal se révèle intrinsèque à la vie. Laure est celle qui a voulu vivre, sans être uniquement un cerveau. Le Triste Privilège ou une vie de Conte de fée est le récit d'une funambule dont l'équilibre précaire effraie et captive le lecteur. Car de cette confession cathartique jaillissent beauté, drôlerie et, finalement, lueurs d'espoir.
Je n'habitais pas la vie mais la mort. Aussi loin que je me souvienne, les cadavres se dressaient tout droit devant moi : "Tu as beau te détourner, te cacher, renier… tu es bien de la famille et tu seras des nôtres ce soir" ; ils discouraient tendres, aimables et sardoniques, ou bien à l'image de ce Christ, l'éternel humilié, l'insane bourreau, ils me tendaient les bras. De l'occident à l'orient, de pays en pays,de ville en ville je marchais entre les tombes.
Bientôt le sol me manqua, qu'il fût herbu ou pavé, je flottais, suspendue entre ciel et terre, entre plafond et plancher. Mes yeux douloureux et renversés présentaient au monde leurs lobes fibreux, mes mains crochets de mutilés transportaient un héritage insensé. Je chevauchais les nuages avec des airs de folle échevelée ou de mendiante d'amitié. Me sentant quelque peu monstre, je ne reconnaissais plus les humains que pourtant j'aimais bien. Enfin, je me pétrifiai lentement jusqu'à devenir un parfait accessoire de décor.

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